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Momagri « Un accord Pac post 2013 sans ambition pour l’agriculture européenne »

Le Conseil des ministres nationaux de l'agriculture ainsi que les représentants du Parlement et de la Commission ont conclu un accord le 26 juin dernier, qui devra encore être voté en plénière par le Parlement et validé par les gouvernements nationaux. Voici la tribune de Pierre Pagesse, président de Momagri, sur la Pac après 2013.

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 « La Pac est en situation de décrochage total comparée aux politiques agricoles des grands partenaires commerciaux de l’UE » explique Pierre Pagesse. (©Terre-net Média)« L'accord du 26 juin, conditionné par le vote du budget européen 2014-2020 de 960 milliards d'euros pour les crédits d’engagement (CE) et 908,4 milliards d’euros pour les crédits de paiement, entérine une baisse de 3,4 % hors inflation par rapport au budget 2007-2013. Le budget de la Pac connaitra la plus forte réduction : - 9,7 %, toujours hors inflation ! Son enveloppe passerait en effet de 420,6 milliards d’euros à un peu moins de 380 milliards d'euros, dont 280 milliards consacrés aux paiements directs aux agriculteurs et environ 80 milliards au développement rural.

Au-delà de la baisse du budget sur laquelle on peut s’interroger au moment où nos partenaires commerciaux renforcent leurs budgets agricoles, c’est l’esprit même de cette réforme de la politique agricole qui inquiète : en l’état, la Pac post 2013 ne serait ni commune, ni agricole. Ce projet, qui signe la dépendance alimentaire des Européens, est le triste reflet de la crise de gouvernance européenne.

Que reste-t-il de Pac dans cet accord ?

Convergence et verdissement sont les deux maîtres mots de la réforme.

Où sont les analyses en termes de coûts de production, de niveau de prix et de compétitivité ? Elles sont absentes de la réforme.

Que sont devenus les mécanismes de régulation des marchés agricoles ? Ils ont été sacrifiés au profit d’un solde de tout compte calculé par rapport à des critères environnementaux et non plus en lien avec la production agricole (c’est ce que l’on appelle les Droits à Paiements de Base). La Pac post 2013 ne disposera donc plus d’aucune capacité de gestion de la volatilité des prix agricoles, pourtant essentielle pour la visibilité des agriculteurs européens et leur développement dans la durée.

Les dirigeants européens se sont enfermés dans des débats de boutiquiers. Ils ont évacué les orientations stratégiques et économiques que la Pac post 2013 aurait dû traduire pour répondre aux enjeux de sécurité et d’indépendance alimentaire.

La PAC post 2013 ne sera plus commune

Ces tractations sont loin d’être achevées ! En effet, les négociateurs n'ont pas encore trouvé de solutions communes à toutes les questions ouvertes au cours de la négociation qui visent à redistribuer une partie des aides directes en fonction d’objectifs précis : aider les jeunes agriculteurs, soutenir les éleveurs, compenser les handicaps des zones défavorisées, soutenir les petites exploitations en majorant les 50 premiers hectares …

Plusieurs points sont ainsi laissés à la décision des Etats Membres, ce qui « renationalise » de fait une partie de la Pac. La subsidiarité des crédits alloués au premier pilier pourrait dépasser 50 % pour la France. Cette direction laisse présager des distorsions de concurrence inquiétantes au sein même de l’Union Européenne. Les Etats puissants et déterminés pourront compléter plus fortement les soutiens Pac par des mesures nationales, créant de véritables discriminations entre agriculteurs européens.

La PAC post 2013 ne sera plus agricole

Le compromis Pac post 2013 introduit une sorte de discrimination positive pour les petits agriculteurs, au détriment des plus grandes exploitations agricoles européennes, sans pour autant avoir mis en place des systèmes permettant de renforcer leur compétitivité face à la concurrence des marchés internationaux.

Pendant ce temps, les grandes puissances de la planète (les Etats-Unis, le Brésil, la Chine, la Russie …) affichent clairement leurs ambitions agricoles. Elles augmentent leurs budgets agricoles, elles adaptent leurs outils d’intervention au service de la compétitivité de leur agriculture et luttent contre des effets pervers de l’instabilité intrinsèque des marchés agricoles, avec l’objectif de sécuriser les revenus de leurs agriculteurs.

L’indicateur Sgpa (soutiens globaux à la production agricole) développé par Momagri établit pour la première fois une transparence sur la réalité et les modalités de soutiens agricoles. C’est ainsi que la Pac est en situation de décrochage total comparée aux politiques agricoles des grands partenaires commerciaux de l’UE. Et l’année 2013 marquera un tournant puisque les soutiens agricoles par habitant en Chine et au Brésil devraient probablement dépasser le niveau européen, lequel est déjà largement inférieur au soutien américain.

La PaC post 2013 ne sera plus stratégique

Où sont les objectifs ambitieux et stratégiques que tous les autres grands pays affichent ouvertement ? Nulle part. L’Adn de cette réforme se résume à un choc d’immobilisme.

Pouvait-il en être autrement ? Oui ! Mais la réforme de la Pac post 2013 révèle la crise profonde que traverse l’Union Européenne. Elle révèle également la position de repli de la Commission Européenne qui, au prétexte que la gestion des marchés agricoles serait trop compliquée, préfère adresser un chèque pour solde de tout compte aux agriculteurs par le biais des Droits à Paiement de Base (Dpb), sans corrélation ni avec la production, ni avec les marchés.

La PAC post 2013 sera désarmée face aux futures crises agricoles !

A quoi devons-nous nous attendre lorsque surviendra la prochaine crise ?

L’UE débloquera-t-elle des fonds d’urgence ? Peut-être, mais ils ne seront là que pour panser les plaies de l’agriculture européenne sans agir sur les causes.

L’UE laissera-t-elle les Etats membres répondre en fonction de leurs moyens financiers, ce qui dans ce cas accentuera encore un peu plus la renationalisation de la Pac et les distorsions de concurrence ?

Une chose est sûre, faute d’une vision stratégique traduite dans la Pac, des crises coûteuses pour le budget européen et catastrophiques pour les agriculteurs se répéteront régulièrement.

Avec un risque ultime : l’ampleur de la dérégulation sera telle que l’UE n’aura plus de levier pour gérer les crises et laissera le marché les régler à sa façon …

La PAC post 2013 modifiera profondément le modèle agricole européen

En l’état, cette réforme Pac post 2013 conduira à une transformation profonde du modèle agricole européen. Les agriculteurs européens continueront de quitter la terre, faute de pouvoir en vivre. L’agriculture familiale fera place à une agriculture financiarisée, dominée par des fonds d’investissement. Notre diversité alimentaire et l’aménagement de nos territoires seront bouleversés sans pour autant garantir la sécurité alimentaire de l’Europe et la compétitivité de nos industries agroalimentaires et les emplois de toute la chaîne agricole et agroalimentaire.

Il est temps désormais de réconcilier la Pac avec les réalités internationales (mondialisation, démographie, compétitivité, sécurité alimentaire) afin de retrouver une dynamique de croissance. Momagri, le think-tank que je préside, fait des propositions en ce sens : Une autre Pac est possible !

Au titre des principes fondateurs d’une indispensable révision de la Pac post 2013, qui a minima, devrait intervenir à mi-parcours, il sera essentiel de redéployer l’enveloppe budgétaire vers des mécanismes contra cycliques et de gestion des marchés, de manière à anticiper les crises, à gérer leurs conséquences et ainsi redonner une visibilité à tous les acteurs du monde agricole.

Je reste convaincu que la Pac doit incarner une vision stratégique et des objectifs ambitieux pour une agriculture européenne innovante, capable de produire plus et mieux, au profit de l’ensemble des citoyens de l’Union. »

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